Au pays de Gaudi

Pourtant familier de l’Espagne, je n’étais jamais allé à Barcelone. Grosse grosse lacune de ma part ! Mais comme on dit “vieux motard que j’aimais” ! Alors, en ce mois d’août brûlant, nous décidons de mettre le cap, en famille, vers la mythique capitale catalane. Après un court trajet en avion (je sais, c’est MAL !), nous voici projetés en plein cœur de la fière cité. Et comme nous sommes de gros guedins, nous nous installons pour 10 jours dans un confortable appartement du quartier très alternatif de Gracia. Et comme nous sommes complètement oufs, sans clim, l’appart. En pleine canicule, tant qu’à faire. Muni chacun d’un ventilateur, nous voilà (plus ou moins) prêts à affronter des chaleurs étouffantes que même les barcelonais n’avaient quasiment jamais connues. Heureusement que la mer clapote en bas pour diffuser un air bien agréable qui aide à supporter. Mais bon, je ne suis pas là pour m’étendre sur des considérations climatiques.

Barcelone est une très grande ville (plus grande que Marseille) qui regorge de pépites à découvrir. Dont celles commises par Gaudi au début du 20e siècle. C’est bien simple, il y a du modernisme à tous les coins de rues. De quoi en prendre plein les mirettes. Pour la langue, c’est très simple : tu jettes à la benne ta méthode Assimil castillan (ou tes cours d’espagnol du collège) parce qu’ici, on parle catalan. Et donc, même si on comprend ce que tu demandes, tu ne captes pas ce qu’on te répond ! Et si tu comptais passer pour un local du haut de ton espagnol “fluent”, t’es grillé direct ! Enfin, question gastronomie, on ne va pas en parler. Sauf si tu es viandard et que tu aimes aussi manger très gras, très sucré et 5 fruits et légumes… par an. !

Pour commencer et se mettre en jambe (parce qu’il va en falloir, des jambes !), et à peine sortis de l’Aérobus place de Catalogne, nous descendons la mythique Rambla. Il faut avouer qu’elle n’avait pas grand chose de mythique et qu’elle avait, d’après ma douce et tendre, perdu de sa superbe : bondée de touristes, pas super bien fréquentée (pick pockets) et quasi aucune statue vivante. Bref : bof. Nous achevons la descente sur le port Vell (les ramblas sont des allées qui mènent à la mer et il y en a plein ici, pas seulement celle qu’on connaît tous) qui nous rappelle que les villes de bord de mer, c’est quand même très sympa.

Après une nuit sans que la température de l’appart ne descende en dessous de 31°, nous visitons l’aquarium. Parce qu’avec une fillette de 8 ans, qui n’est pas encore férue de vieilles pierres ou de musées, il en faut aussi pour tout le monde. Très bel endroit, intéressant, presque aussi bien que celui de La Rochelle, que nous quittons pour nous rendre sur la plage de Bogatell, en contrebas du très chouette et populaire quartier Poblenou. Les plages de Barcelone sont artificielles. Il n’y a pas si longtemps, pendant la dictature franquiste, c’était ni plus, ni moins des bidonvilles…. Un moment agréable de baignade (l’eau à 30° comme dans les Antilles, encore du jamais vu, c’est flippant) et de bronzette rythmée par les incessants mantras des vendeurs à la sauvette qui vous proposent, en 2 langues aux accents pakistanais, des bières, de l’eau et même de la sangria et des mojitos. “Cerveza, beer, agua, water”.

Le lendemain, déambulation dans le quartier Gothique, juste en amont de la mer, la vieille ville originelle aux étroites ruelles tortueuses (et ombragées, du coup, ça ne mange pas de pain) bien différentes des quartiers plus récents taillés au carré comme aux US. A ce propos, c’est Barcelone qui a inspiré ce type de plan de ville orthogonal aux américains et non pas l’inverse !

Le jour suivant, un petit circuit dans notre quartier Gracia avec ses jolies places et, parce que vraiment il fait très très chaud (plus de 40° en ville, c’est assez rock’n roll), nous nous glissons incognito dans le slip de bain des barcelonais en piquant une tête (enfin, en faisant attention car il y a 60 cm d’eau, en vrai) à la piscine municipale du parc Creueta del Coll, dans les hauteurs (alerte bon plan).

Le jour tant attendu arrive enfin : une visite guidée combo Sagrada Familia et Parc Guell, histoire de plonger dans l’univers du génialissime Gaudi (il n’y a pas que Dali qui est génial en catalogne). A ne pas faire sans réserver sous peine de cramer 2 heures dans une file d’attente ! Je connaissais un peu le travail de Gaudi, dans les bouquins, mais en vrai, c’est une énorme claque. Et cet architecte, en plus d’être d’une créativité sans bornes était un très grand précurseur, un visionnaire. D’amateur, je suis devenu carrément fan. Si j’arrive à savoir où il habite, j’irai me prosterner devant sa cage d’escalier, voire même taper la discute. Je ne vais pas vous faire un topo mais ce génie mérite qu’on s’y intéresse. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il était très pieu. Ce qui fait que la basilique de la Sagrada Familia ne sera jamais plus haute que le point culminant de Barcelone (enfin, quand elle sera terminée !). L’œuvre de l’Homme ne doit pas dépasser celle de Dieu. Ambiance.

Une fois remis de ces émotions architecturales, nous optons le lendemain pour une visite guidée, tranquille, en vélo, organisée par Hervé, un normand expatrié. Génial (alerte bon plan) : on découvre la ville autrement et au passage, on apprend des tas de trucs (qui me permettent d’étaler ma science dans ces lignes). Fin de journée. Tels de vieilles baleines cramoisies, nous échouons sur la plage de Bogatell (c’est officiel, c’est NOTRE plage) pour se reposer un peu.

Une fois n’est pas coutume, en tant que parents compréhensifs, nous “sacrifions” une journée dans un des nombreux parcs aquatiques des environs, accessible très facilement avec un genre de RER. Je ne vais pas décrire cet endroit (Illa Fantasia) qui ne présente pas grand intérêt pour un adulte sain d’esprit et sensible aux grands espaces déserts et intimistes. Du moment que la gamine s’est éclatée, le but était atteint !

Finalement, 10 jours, ça passe vite ! Un petit tour au Montjuïc qui domine la ville (et la Sagrada Familia, du coup) et abrite une piscine olympique (jeux de 1992) avec une vue panoramique imprenable ! Imprenable également le téléphérique que nous n’avons donc pas pris car l’aller-retour coûte un bras. Alors ? Marche à pied. Avec le temps on s’est habitués à la chaleur, donc même pas peur ! Le soir-même, le 15 août, nous retournons à Gracia où démarrent les fêtes traditionnelles du quartier. Enorme coup de bol que nous n’avions pas prévu ! Un régal de flâner dans les rues décorées par les habitants. Petite montée d’adrénaline lors du défilé à base de pétards sifflants et gerbes d’étincelles. On s’en est sortis de justesse, sourds et à moitié brûlés. Pas de demie mesure chez le catalan !!

La fin du séjour approche. Je pars seul visiter le palais de la Musique. Encore une perle du modernisme catalan. Eh non, pas Gaudi cette fois-ci, mais plutôt son maître, Lluís Domènech i Montaner, dont l’imagination foisonnante est à l’image de ce lieu singulier et indescriptible. Bref, si vous n’aimez que le Bauhaus et le fonctionnalisme, n’y allez surtout pas, vous risquez d’avoir des palpitations.

Dernier jour. On en profite pour pénétrer dans le Palau Guell (c’est fait par qui ? Par Gaudi pardi !). Dans un autre genre, antérieur à la Sagrada Familia, on découvre, encore une fois ébahis, l’étendue du talent du prolifique architecte. Grosse déception : le pauvre est décédé en 1926, percuté par un tramway, à 74 ans. L’âme en peine, j’abandonne alors l’idée d’aller boire une sangria (ou plutôt une Clara, boisson locale à base de bière et de soda citron) en terrasse avec lui. Tristesse. Pour me remettre de ce choc, je me dis qu’un tel palais serait sympa sur mon petit terrain francilien. Mais très vite je déchante : je ne suis pas un riche industriel du textile comme ce cher Eusebi Guell. Ce qui me fait immédiatement penser à Paul Cavrois, lui aussi dans le textile, et sa gigantesque villa aux alentours de Lille, dessinée par Malet-Stevens dans les années 30. Autre style, autre époque, autre histoire… Mais tout de même, c’est incroyable de penser qu’à si peu d’années d’intervalles on ait pu produire des constructions aussi radicalement différentes !

Voilà. Il est temps de boucler à regrets les valises, non sans faire un petit tour dans le quartier Barceloneta et déguster une dernière fois un snack en bord de mer avant de repartir, des images plein les yeux et des ampoules plein les pieds !

A voir dans la galerie “Barcelona“.

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